Le camion s'arrête à côté d'une coupe à blanc, la lumière du matin commençant à filtrer à travers la ligne d'arbres. "Aly, tu es là", m'appelle mon contremaître. Je saute dehors, attrape mon matériel à l'arrière du camion et vérifie que ma pelle et mes bottes de calfeutrage sont toujours dans mon sac de plantation. L'air est encore frais et je frissonne dans mon pull en laine. Bientôt, la journée se réchauffera et je penserai à la brise fraîche du matin alors que je transpire en pleine terre. Mon contremaître me jette quelques caisses d'arbres sur la route, m'indique la proportion d'arbres, me montre rapidement une carte de mon terrain, puis repart. Je suis laissé en silence, regardant le flanc de la montagne que je vais escalader et descendre toute la journée et que je suis chargé de replanter. Je souris et me mets au travail. Il y a des arbres à planter et de l'argent à gagner.
Bienvenue à une nouvelle journée de plantation d'arbres.
Chaque été, des milliers de planteurs d'arbres se rendent sur les petites routes du Canada, s'installant dans des camps de brousse ou dans de petits motels situés dans des villes oubliées depuis longtemps. Les planteurs ont pour mission de planter collectivement des millions d'arbres chaque année afin de reboiser d'immenses étendues de terre qui ont été coupées à blanc.
La plantation d'arbres ressemble beaucoup à la randonnée pédestre.
Vous vous réveillez chaque jour fatigué et endolori. Parfois, vous êtes enthousiaste à l'idée de commencer la journée, mais parfois vous ne l'êtes pas. Peu importe, quoi qu'il arrive, vous vous levez et vous vous rendez au travail ou à pied, sans aucune excuse. Le travail est physiquement exigeant, les planteurs plantant 1000 à 5000 arbres par jour à la main, parfois moins, parfois plus. La boue, la pluie, le soleil implacable et les insectes font partie du travail. La saleté s'incruste rapidement dans les plis de nos mains. Nos vêtements sont rapidement tachés de boue et de sueur, déchirés par les branches et les épines qui jonchent le terrain. C'est un travail qui rassemble toutes sortes de personnes, un mélange de personnalités qui permet de s'affranchir des normes sociétales. Un terrain de jeu égal où le travail acharné et les qualités athlétiques sont récompensés.
En 2020, environ 600 millions d'arbres ont été plantés au Canada. Les jeunes plants ne mesurent qu'environ un pied de haut et il faut en moyenne 10 secondes à un planteur expérimenté pour planter un arbre. Les planteurs portent à la taille des sacs de plantation qui peuvent contenir 150 à 350 arbres à la fois et peser jusqu'à 50 livres. Les arbres sont plantés à l'aide d'une petite pelle, d'une hauteur maximale de 2 pieds.
Les planteurs sont payés à l'arbre et les prix varient de 10 à 45 cents par arbre. Le prix reflète les difficultés du terrain et les spécifications du contrat : un terrain plat, facile et préparé signifie des prix plus bas mais plus d'arbres plantés par jour. Si vous plantez une colline escarpée couverte de rémanents (arbres tombés et broussailles), avec une variété d'espèces nécessitant des microsites spécifiques, vous serez payé plus cher par arbre. Dans un monde de plus en plus mécanisé, le travail est rafraîchissant et différent, le dur labeur étant directement lié à la quantité d'argent que l'on ramène à la maison.
Il est difficile de ne pas s'interroger sur la destruction causée par l'exploitation forestière. Des paysages entiers sont détruits et ravagés. Les déchets de lombaires sont empilés en vue d'être brûlés. Les vieux blocs sont encore exploités et il est courant de voir des cèdres géants, plus larges que moi, abattus et gisant en morceaux dans le sol, utilisés pour amortir d'autres grands arbres.
En tant que planteur d'arbres, nous ne participons pas aux décisions de gestion, mais nous avons l'occasion de voir comment elles sont mises en œuvre et quand ces règles sont contournées. Je me suis rendu dans des zones qui étaient replantées pour la quatrième fois, les arbres ne prenant jamais racine. En escaladant les flancs rocheux des montagnes, je me suis étonné de la redondance de tout cela. Il n'y a plus de sol, la colline s'étant érodée après l'exploitation forestière et les racines ayant été arrachées du sol. Je sais que les arbres que j'ai plantés mourront et que, selon toute vraisemblance, ce bloc sera aspergé de pesticides pour réduire la croissance des ronces, puis des planteurs reviendront pour tenter de le replanter.
La sylviculture au Canada a beaucoup évolué au fil des ans. En Colombie-Britannique, les entreprises doivent respecter des plans de gestion forestière (Forest Stewardship Plans) qui définissent un plan d'aménagement du paysage pour une zone donnée et qui doivent être approuvés avant que l'exploitation forestière ou la construction d'une route ne puisse avoir lieu. La taille des coupes à blanc est limitée et des règles s'appliquent aux zones riveraines. Il existe des protocoles de sécurité et des études approfondies. Récemment, on a assisté à un lent changement visant à intégrer les voix indigènes dans les décisions de gestion.
Du point de vue de la plantation d'arbres, on dit souvent qu'il y a une bonne façon de planter un arbre, mais une centaine de mauvaises.
Les contrôleurs passent pour s'assurer que vous plantez vos arbres correctement et conformément aux spécifications du contrat. Si vos arbres sont mal plantés, vous devez revenir en arrière et les replanter, au prix de votre temps et de votre argent. Des auditeurs viennent parfois contrôler ces vérificateurs.
La gestion forestière repose sur le principe de la "sylviculture à rendement soutenu", qui consiste à faire en sorte que les forêts repoussent au rythme où elles sont coupées. Tout cela dans le but de gagner de l'argent. En 2021, l'industrie forestière a contribué à hauteur de 5 270 035 084 dollars canadiens au PIB nominal. Ce chiffre ne tient pas compte de la transformation du bois ni de la transformation de la pâte à papier, qui ont ajouté des millions de dollars à l'économie. En général, les arbres sont récoltés tous les 60 à 80 ans pour les forêts de basse altitude, ce qui est un délai très court dans le grand ordre des choses et ne tient pas compte de nombreuses autres composantes cruciales des forêts, telles que les forêts anciennes.
Le débat sur l'exploitation et l'utilisation des forêts anciennes est complexe et pourrait faire l'objet d'un livre. Au Canada, les arbres anciens sont vaguement définis comme des arbres de plus de 250 ans sur la côte et de plus de 140 ans à l'intérieur du pays. La gestion des forêts anciennes a un impact sur les individus, les tribus indigènes, la santé des écosystèmes et l'atténuation du changement climatique. Les forêts anciennes fournissent d'innombrables services écosystémiques, notamment la biodiversité, la santé des sols, la régulation de l'eau, l'importance culturelle, les loisirs, l'habitat des poissons et des animaux sauvages et les puits de carbone. Le bois des vieux arbres est plus résistant et a donc plus de valeur. Les scieries sont spécialement conçues pour les vieux arbres car elles ont besoin de scies spécialisées. L'interdiction de l'exploitation des vieux arbres éliminerait donc une industrie et priverait des centaines de personnes de leurs moyens de subsistance, et détruirait probablement les petites villes d'exploitation forestière.
En Colombie-Britannique, une étude récente a calculé qu'il restait environ 11,1 millions d'hectares de forêts anciennes, dont seulement 2 millions d'hectares sont protégés et 1,2 million d'hectares font l'objet d'une gestion spéciale. Il reste donc 7 millions d'hectares de forêts anciennes non protégées, dont certaines ont été activement exploitées. Lorsque l'on parle de forêts anciennes, il est important de savoir que tous les vieux arbres ne sont pas identiques. Les arbres situés en altitude sont généralement plus petits et leurs forêts présentent une biodiversité plus faible que les arbres situés à plus basse altitude. Par conséquent, les arbres situés plus bas ont généralement tendance à être plus gros et donc plus rentables, ce qui explique qu'ils aient été massivement exploités. Le chiffre de 11,1 millions d'hectares peut sembler élevé, mais il ne tient pas compte des différences entre les types de forêts. On estime que 80 % des forêts anciennes de la Colombie-Britannique sont constituées d'arbres très petits ou moyens, tandis qu'il ne reste que 300 000 hectares de très grands arbres. Pour mettre ce chiffre en perspective, on estime qu'il y a 362 millions d'hectares de forêts au Canada.
En fin de compte, chaque décision de gestion, petite ou grande, a un impact. Il y aura toujours un compromis, tout dépend de ce qui est prioritaire.
Malgré tous ses défauts, l'industrie forestière fait partie intégrante de l'identité canadienne.
La plantation d'arbres est devenue un mode de vie pour moi. Elle m'a donné la liberté et l'occasion d'exercer un travail utile, qui me permet de terminer la journée épuisé, mais en sachant que j'ai fait quelque chose de productif. J'ai eu la chance de rencontrer des gens incroyables et de travailler à l'étranger et dans des villes isolées du Canada. À la fin de chaque saison, j'ai déjà hâte à la prochaine, lorsque je sortirai mes vieux sacs de plantation sales du grenier et que je me préparerai à aller planter.
Sources d'information
L'état des forêts canadiennes : Rapport annuel 2022 (ISSN 1488-2736). (2022). Ressources naturelles Canada. Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://natural-resources.canada.ca/sites/nrcan/files/forest/sof2022/SoF_Annual2022_EN_access.pdf
Ministère des forêts. (2021, 20 avril). Forest Stewardship Plans - Province de la Colombie-Britannique. https://www2.gov.bc.ca/gov/content/industry/forestry/managing-our-forest-resources/forest-stewardship-plans
Gorley, A. et Merkel, G. (2020). Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : A strategic review of how British Columbia manages for old growth forests within its ancient ecosystems (Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : un examen stratégique de la manière dont la Colombie-Britannique gère les forêts anciennes au sein de ses écosystèmes anciens). Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/industry/forestry/managing-our-forest-resources/old-growth-forests/strategic-review-of-old-growth-forest-management
Gorley, A. et Merkel, G. (2020). Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : A strategic review of how British Columbia manages for old growth forests within its ancient ecosystems (Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : un examen stratégique de la manière dont la Colombie-Britannique gère les forêts anciennes au sein de ses écosystèmes anciens). Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/industry/forestry/managing-our-forest-resources/old-growth-forests/strategic-review-of-old-growth-forest-management
Gorley, A. et Merkel, G. (2020). Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : A strategic review of how British Columbia manages for old growth forests within its ancient ecosystems (Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : un examen stratégique de la manière dont la Colombie-Britannique gère les forêts anciennes au sein de ses écosystèmes anciens). Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/industry/forestry/managing-our-forest-resources/old-growth-forests/strategic-review-of-old-growth-forest-management
Gorley, A. et Merkel, G. (2020). Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : A strategic review of how British Columbia manages for old growth forests within its ancient ecosystems (Un nouvel avenir pour les forêts anciennes : un examen stratégique de la manière dont la Colombie-Britannique gère les forêts anciennes au sein de ses écosystèmes anciens). Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/industry/forestry/managing-our-forest-resources/old-growth-forests/strategic-review-of-old-growth-forest-management
L'état des forêts canadiennes : Rapport annuel 2022 (ISSN 1488-2736). (2022). Ressources naturelles Canada. Consulté le 11 avril 2023 à l'adresse suivante : https://natural-resources.canada.ca/sites/nrcan/files/forest/sof2022/SoF_Annual2022_EN_access.pdf
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